Les 13 couleurs de Vauban | L’histoire d’un riche patrimoine historique français

Les 13 couleurs de Vauban : connaissez-vous leurs histoires ?

Les 13 couleurs de Vauban (bleu azur, bleu de Prusse, noir de fumée, ocre rouge, rouge vermillon, gris, vert de mer, vert olive, ocre jaune, toile à voile en chanvre, cordage chanvre goudronné, jaune de Naples et couroi blanc) ont une signification bien particulière pour Malouinières. C’est en effet avec elles qu’a commencé notre histoire. À l’époque, je m’étais donné la mission de retrouver les couleurs d’origine présentes sur les malouinières de Saint-Malo. Pour y arriver, j’ai échangé avec plusieurs historiens, lu de nombreux ouvrages historiques, été vérifié les couleurs sur les maquettes du musée de la Marine à Paris, collaboré avec l’Architecte des bâtiments de France. Munie de ma palette, j’ai réalisé de nombreux essais jusqu’à trouver l’exactitude des coloris utilisés à l’époque. Une fois les teintes retrouvées, Malouinières les a fait revivre en les commercialisant pour le grand public. Aujourd’hui, j’ai à cœur de vous raconter l’histoire de ces 13 couleurs de Vauban ainsi que la vie extraordinaire de son créateur Vauban, personnage incontournable du règne du Roi Soleil.

les 13 couleurs de vauban

Les couleurs du patrimoine français ont vogué entre terre et mer

Les navires de la Marine française : là où tout a commencé

Au XVIIe siècle, l’objectif de Louis XIV est de maîtriser les mers et de devenir la puissance navale la plus importante au monde. Pour réussir ce pari fou, il va alors mettre en place des moyens à la hauteur de ses ambitions : il décuple le budget dédié à la marine militaire, il équipe les ports maritimes, il multiplie les bases navales, il crée des formations spécifiques dédiées aux officiers de la Marine, etc.

Et pour marquer davantage sa puissance et sa domination, il choisit d’uniformiser visuellement sa flotte maritime en mettant en place un cahier des charges bien précis : tous les navires doivent être identiques. Autrement dit, chaque élément de n’importe quel bateau (coque, pont, cabine, canon, embarcation, mâts, etc.) doit correspondre à une teinte spécifique.

C’est cette palette de couleurs, utilisée dans la Marine royale entre 1650 et 1850, que l’on appelle les « 13 couleurs de Vauban ». Chacune des teintes présentes a été sélectionnée par Vauban, l’architecte du Roi Soleil, et validée par ce dernier.

bateaux de la marine française sous louis XIV

Des bateaux de la Marine royale aux malouinières de Saint-Malo, il n’y a qu’un pas

Ces 13 teintes, si particulières à la flotte maritime royale française, servent dans le même temps à habiller les demeures malouines des armateurs de l’époque : les malouinières. Nichées dans l’arrière-pays de Saint-Malo, ces imposantes demeures sont construites par les corsaires du XVIIe siècle et leur servent alors de lieu de villégiature entre deux voyages en mer.

Pour teindre leur pied-à-terre malouin, ils vont reprendre les codes couleur de la Marine royale en utilisant le reste des peintures des navires ; mêlant ainsi subtilement leur vie sur la terre ferme et en mer.

Contrairement aux navires de la Marine royale qui n’existent plus aujourd’hui, ces habitations n’ont quant à elles pas disparu du paysage malouin. En effet, on en recense encore aujourd’hui plus d’une centaine, toutes transformées en résidences privées.

Un travail rendu possible grâce aux recherches de deux spécialistes de l’histoire de France

Jean Boudriot : à la recherche des 13 couleurs de Vauban

Grâce aux travaux de recherche du célèbre architecte Jean Boudriot, nous en savons un peu plus sur cette période fascinante. C’est dans son ouvrage « La compagnie des Indes » que ce passionné d’architecture navale lève le voile sur ces 13 couleurs de Vauban utilisées dans la Marine française militaire.

Du vert, du bleu, du rouge ou encore du jaune : la richesse des nuances et la vivacité des teintes sont surprenantes pour l’époque. Il est vrai qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles, les couleurs vives coûtaient si cher que peu de personnes avait les moyens de s’en procurer. Ce n’était bien évidemment pas le cas au château du Roi Soleil, où certaines teintes y ont été retrouvées (comme le vert de mer sur les huisseries et les boiseries). Ces couleurs étaient donc l’occasion de faire voyager les gens de la Cour de Versailles.

Dans son ouvrage, Jean Boudriot nous révèle que les devis d’alors mentionnaient l’utilisation de 57 pots de blanc, 51 pots de noir, 110 pots de rouge, 42 pots de jaune, 21 pots de bleu et 24 pots de blanc à la colle pour peindre un seul navire. La dominance de la couleur rouge n’est pas sans rappeler les combats sanglants qui se jouaient sur ces navires, permettant alors d’atténuer visuellement les récurrentes taches de sang.

Les 13 couleurs de Vauban, et la place que chacune occupait sur les navires, sont visibles au musée de la Marine à Paris, à travers des maquettes très réalistes. C’est également l’occasion d’admirer la diversité des teintes utilisée à l’époque.  

Gilles Foucqueron : les secrets de la Compagnie des Indes

Comme l’explique Gilles Foucqueron, spécialiste de l’histoire malouine, les bateaux de la Marine française et du commerce ont parcouru les océans, notamment grâce à la Compagnie des Indes. Celle-ci permettait d’importer toutes sortes de produits, tels que des épices, de la soie, des porcelaines, etc. À travers ces expéditions, la ville de Saint-Malo s’est vite imposée comme une référence dans le monde maritime et dans le développement du commerce de l’époque. Les 13 couleurs de Vauban ont donc une signification historique forte puisqu’elles ont voyagé à travers le monde entier.  

Les 13 couleurs de Vauban : le point de départ de Malouinières

« Les 13 couleurs de Vauban » représentent donc la palette de couleurs officielle utilisée dans la Marine royale sous Louis XIV, et déclinée sur les malouinières de Saint-Malo. Du bleu au gris en passant par le rouge et le jaune : c’est Vauban lui-même qui a nommé chacune des couleurs, dont certaines portent des appellations imagées comme « couroi blanc », « cordages chanvre goudronné » ou encore « noir de fumée ».

Teinte Nom sur la palette de Vauban Endroit du navire où la peinture était appliquée à l’époque Nom des teintes intérieures correspondant à la Collection Malouinières Nom des teintes extérieures Malouinières
bleu azur palette couleur Vauban

Bleu azur

Coque Le Marquis de Carabas Bleu azur
bleu de Prusse palette couleur Vauban

Bleu de Prusse

Coque Ispahan Bleu Prusse
noir de fumée palette Vauban Noir de fumée

Coque

Ouvrages métalliques

Noir de fumée Noir de fumée
ocre rouge palette vauban Ocre rouge

Coque

Intérieur des sabords

Plateforme des poulaines

Ocre rouge Ocre rouge
rouge vermillon palette vauban Rouge Vermillon

Pont

Cages à volailles

Affut de canon

Intérieur des embarcations

Vermillon Vermillon
gris 13 couleurs de vauban Gris

Coque

Logements du second pont

Cap Gris-Nez Gris
vert de mer 13 couleurs de vauban

Vert de mer

Coque Vert de mer Vert de mer
vert olive palette de couleurs vauban

Vert olive

Coque Compagnie des Indes Vert olive
ocre jaune palette de couleurs vauban Ocre jaune

Coque

Hauteur de batterie

Extérieur des mantelets

Jottereaux

Herpes

Jambettes

Extérieur des embarcations

Ocre Ocre jaune
toile à voile en chanvre 13 couleurs de Vauban

Toile à voile en chanvre

Intérieur des cabines Toile à voile  ?
cordage chanvre goudronné vauban

Cordage chanvre goudronné

Mât des navires Haubans Cordages chanvre goudronné
jaune de naples 13 couleurs de vauban Jaune de Naples

Intérieur des cabines

Eperon

Figure de proue

Eléments sculptés et moulurations à la poupe (sur fond bleu)

Jaune de Naples ?
couroi blanc palette de couleurs vauban Couroi blanc

Coque

Intérieur des cabines

Misaine Couroi blanc

Le mot d’ordre restait de respecter l’utilisation des peintures indiquées sur le devis : garder les ceintures en noir, les batteries en ocre jaune et faire largement prédominer l’ocre rouge pour les intérieurs.

Qui est Vauban, l’inventeur de ces couleurs historiques ?

Un héros emblématique du XVIIe siècle

Plus connu sous le nom de Vauban, Sébastien Le Prestre Vauban est l’une des figures les plus marquantes du monde militaire du XVIIe siècle.

Tout au long de sa carrière, sa mission va être d’organiser les attaques et la défense du royaume de France lors des sièges, en concevant et en améliorant les fortifications du territoire. C’est à lui que l’on doit l’invention du pré carré, entourant ainsi le pays d’une « ceinture de fer ». L’objectif étant de protéger les frontières par un réseau de fortifications modernes et dissuasives.

Les œuvres de Vauban ont révolutionné l’ensemble de l’architecture militaire française, inspirant même d’autres civilisations étrangères comme l’Asie.

Ses fortifications ont tellement marqué l’histoire du pays que 12 d’entre elles sont aujourd’hui inscrites sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco (Arras, Besançon, Blaye / Cussac-Fort-Médoc, Briançon, Camaret-sur-mer, Longwy, Mont-Dauphin, Mont-Louis, Neuf-Brisach, Saint-Martin-de-Ré, Saint-Vaast-la-Hougue et Villefranche-de-Conflent).

Autodidacte, il s’est également illustré pour ses écrits (« Oisivetés », en 12 tomes) bien souvent visionnaires, mais qui lui ont valu quelques critiques virulentes.

les 12 sites de Vauban classés UNESCO

De simple ingénieur à Maréchal de France

1650 : Vauban a 17 ans lorsqu’il rentre comme cadet dans le régiment du Prince du Condé, autrement dit dans les troupes ennemies de Louis XIV et de la régente Anne d’Autriche (vous pouvez retrouver l'histoire de la mère du Roi Soleil dans notre article dédié au Val-de-Grâce). Trois ans plus tard, alors qu’il se fait emprisonner par l’armée royale, il est interrogé par le bras droit du Roi Soleil, le Cardinal Mazarin. Ce dernier, sensible au caractère et au talent de dessinateur de son prisonnier, lui propose alors de rejoindre ses troupes. Le jeune Vauban n’hésite pas une seule seconde et accepte de passer dans le camp adverse, celui du roi Louis XIV. Il y restera pendant 53 ans.

1655 : à 22 ans, après avoir été promu capitaine, il obtient son brevet d’ingénieur ordinaire du roi. Son expertise étant de plus en plus remarquée et appréciée, le Roi Soleil lui confie rapidement des chantiers plus colossaux, comme la construction de « la reine des citadelles » (la citadelle de Lille).

1673 : Vauban a 40 ans et c’est la guerre de Hollande. C’est là, lors du siège de Maastrich (où mourra par ailleurs D’Artagnan), qu’il va se démarquer grâce à son procédé d’attaque du « pré-carré », validé par le roi Louis XIV. Toute l’architecture des tranchées et de l’espace est revue : ses hommes sont ainsi mieux protégés, affaiblissant dans le même temps les ennemis. Ce système d’attaque devient alors révolutionnaire.

1678 : à la mort du chevalier de Clerville, Vauban est promu Commissaire Général des Fortifications du royaume. Désormais, il a le pouvoir de contrôler et de diriger tous les projets de défenses côtières et terrestres du territoire français.

1703 : Vauban est nommé Maréchal de France, la plus haute distinction militaire française. Ce titre est d’ailleurs à la hauteur de sa réputation, où l’on affirmait que « une ville construite par Vauban est une ville sauvée, une ville attaquée par Vauban est une ville perdue ».

30 mars 1707 : l’inventeur des 13 couleurs de Vauban décède à Paris à 74 ans. Les rumeurs de l’époque disent qu’il serait mort de chagrin, mais ce sera en réalité une pneumonie qui lui ôtera la vie. Il sera enterré dans sa région natale de Bourgogne-Franche-Comté, à l’église de Bazoches. Un siècle plus tard, en 1808, Napoléon décidera de transférer son cœur aux Invalides à Paris en hommage à cet homme qui aura marqué l’histoire de France.

portrait de Vauban

Portait de Vauban - Getty Images 1

Un architecte et militaire engagé pour la France

Au-delà de ses prouesses tactiques, l’ingénieur architecte montre un courage et une bravoure surprenante : à tout juste 25 ans, son corps, recouvert de balafres et de cicatrices, témoigne déjà d’une abnégation sans faille pour son pays. Ces nombreuses blessures, qu’il doit majoritairement à des stratégies désastreuses de la part de ses supérieurs, seront à l’origine de son combat de vie : épargner le plus possible le sang de ses hommes. C’est la raison pour laquelle il n’aura de cesse de construire des sièges toujours plus efficaces et mieux pensés.

Vauban est également un homme intelligent avec une vivacité d’esprit très appréciée. C’est d’ailleurs grâce à son franc-parler et à sa répartie incomparable qu’il s’est fait respecter et apprécier. Tantôt espion sur les lignes ennemies, tantôt stratège en coulisse : l’ingénieur est infatigable, se donnant corps et âme à sa patrie.

Vauban et Louis XIV : une relation à part entière

Vauban a rapidement gagné la confiance du roi grâce à son expérience et à ses compétences, mais également avec son franc-parler (soulignons que ce genre de comportements pouvait coûter cher à l’époque). En effet, il n’hésitait pas à dénoncer des sujets parfois sensibles avec Louis XIV, tels que la politique étrangère, la fiscalité ou certaines décisions prises par le royaume.

Il ne faisait pas partie de ceux qui flattaient le royaume, bien au contraire. Il était un homme de cœur avant d’être un homme de pouvoir, et sa priorité était de sauver le peuple de la pauvreté et de la famine qui rongeaient alors le pays.

Néanmoins, certaines de ses critiques et publications écrites agaçaient, notamment son ouvrage de « La Dîme Royale ». Dedans, il s’oppose ouvertement aux financiers et à la politique fiscale du royaume et propose de mettre en place un nouveau concept révolutionnaire : la Dîme Royale. Cette réforme, abolissant tous les privilèges de l’administration royale, visait à réduire les injustices sociales et les difficultés économiques du pays. Malheureusement, le livre a vite été censuré et tous les exemplaires ont été détruits. Cette publication a marqué un tournant dans sa vie, car elle lui a valu quelques années de misère et de disgrâce.

C’est là toute l’histoire de sa vie : il se sentait tiraillé entre son amour pour le peuple (fidèle à ses origines paysannes) et sa loyauté pour le roi : « J’aime réellement et de fait la personne du roi, parce que le devoir m’y oblige, mais incomparablement plus parce que c’est mon bienfaiteur qui a toujours eu de la bonté pour moi, aussi en ai-je une reconnaissance parfaite à qui, ne plaise à Dieu, il ne manquera jamais rien. » (26 avril 1697, lettre au Marquis de Cavoye).

Bien que la monarchie ait refusé de faire les honneurs officiels à la mort de Vauban, le Roi Soleil affirmera tout de même sa reconnaissance envers celui qui lui aura été fidèle plus d’un demi-siècle : « je perds un homme fort affectionné à ma personne et à l’Etat ».

portrait de Louis XIV, ami de Vauban

World History Archive/ABACA 1

Malouinières et les 13 couleurs de Vauban

Plus de trois siècles plus tard, les 13 couleurs de Vauban ont enfin repris vie à travers Malouinières. Elles font partie de notre héritage historique français, et aujourd’hui, chacun peut avoir un bout d’histoire dans son salon, sa chambre à coucher ou encore sa cuisine. Quelle autre meilleure façon de voyager dans le temps ?

Vous pouvez retrouver chacune de ces teintes sur notre nuancier et sur notre catalogue de peintures intérieures.

Si vous souhaitez plus d’informations ou si vous avez une question, je serai ravie d’échanger avec vous : je vous invite alors à prendre contact avec moi en remplissant ce formulaire.

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